Walter BENJAMIN (15 juillet 1892 - 26 septembre 1940)
Petite histoire de la photographie (1931)
I
Le brouillard qui s'étend sur
les commencements de la photographie n'est pas tout à fait aussi épais que
celui qui recouvre les débuts de l'imprimerie plus distinctement que pour
celle-ci, peut-être, l'heure était venue de la découverte, plus d'un l'avait pressenti
des hommes qui, indépendamment les uns des autres, poursuivaient un même but :
fixer dans la camera obscura ces images, connues au moins depuis Léonard.
Lorsque ce résultat, après environ cinq ans d'efforts, fut accordé en même
temps à Niepce et Daguerre, l'Etat, profitant des difficultés des inventeurs
pour déposer un brevet, s'en saisit et, après dédommagement des intéressés, en
fit chose publique. Ainsi furent posées les conditions d'un développement sans
cesse accéléré, qui excluait pour longtemps tout regard en arrière. C'est
pourquoi les questions historiques ou, si l'on veut, philosophiques que
suggèrent l'expansion et le déclin de la photographie sont demeurées inaperçues
pendant des décennies. Et si elles commencent aujourd'hui à revenir à la
conscience, c'est pour une raison précise. Les ouvrages les plus récents
s'accordent sur le fait frappant que l'Age d'or de la photographie - l'activité
d'un Hill ou d'une Cameron, d'un Hugo ou d'un Nadar - correspond à sa première
décennie. Or c'est la décennie qui précède son industrialisation. Non que, dès
les premiers temps, bonimenteurs et charlatans ne se fussent emparés de la
nouvelle technique pour en tirer profit ils le firent même en masse. Mais ce
point appartient plus aux arts de la foire où, il est vrai, la photographie a jusqu'à
présent été chez elle, qu'à l'industrie. Celle-ci ne conquit du terrain qu'avec
la carte de visite photographique, dont le premier fabricant, c'est significatif,
devint millionnaire 5. Il ne serait
pas étonnant que les pratiques photographiques, qui attirent aujourd'hui pour
la première fois les regards sur cet Age d'or préindustriel, aient un lien
souterrain avec l'ébranlement de l'industrie capitaliste
Les clichés de Daguerre
étaient des plaques argentées recouvertes d'iode exposées dans la camera
obscura, qu'il fallait incliner en tous sens jusqu'à ce que, sous un éclairage
approprié, l'on puisse reconnaître une image d'un gris tendre 10. Elles étaient uniques une plaque coûtait
en moyenne 25 francs or en 1839. Il n'était pas rare qu'on les conservât comme
des bijoux dans des écrins. Mais dans la main de nombreux peintres, elles
devinrent une technique d'appoint. Tout comme Utrillo, soixante-dix ans plus
tard, devait exécuter ses fascinantes vues des maisons de la banlieue de Paris
non sur le vif, mais d'après cartes postales, l'Anglais David Octavius Hill, portraitiste renommé, réalisa une longue série
de portraits pour sa fresque du synode de l'église écossaise. Mais il fit ces
photographies lui-même 11. Et ce sont
ces images sans valeur, simples auxiliaires à usage interne, qui confèrent à
son nom sa place historique, alors qu'il s'est effacé comme peintre 12. Sans doute, plus encore que la série
de ces têtes en effigie, quelques études nous font pénétrer plus profondément
dans la nouvelle technique non des portraits, mais les images d'une humanité
sans nom. Ces têtes, on les voyait depuis longtemps sur les tableaux. Lorsque
ceux-ci demeuraient dans la famille, il était encore possible de s'enquérir de
loin en loin de l'identité de leur sujet. Mais après deux ou trois générations,
cet intérêt s'éteignait les images, pour autant qu'elles subsistaient, ne le
faisaient que comme témoignage de l'art de celui qui les avait peintes. Mais la
photographie nous confronte à quelque chose de nouveau et de singulier dans
cette marchande de poisson de Newhaven 13,
qui baisse les yeux au sol avec une pudeur si nonchalante, si séduisante, il
reste quelque chose qui ne se réduit pas au témoignage de l'art de Hill,
quelque chose qu'on ne soumettra pas au silence, qui réclame insolemment le nom
de celle qui a vécu là, mais aussi de celle qui est encore vraiment là et ne se
laissera jamais complètement absorber dans l' "art". "Et je
demande comment la parure de ces cheveux/Et de ce regard a-t-elle enveloppé les
êtres passés!/Comment a embrassé ici cette bouche où le désir/Absurde comme
fumée sans flamme s'enroule 14 !"
Ou bien l'on découvre l'image de Dauthendey 15,
le photographe, père du poète, à l'époque de ses fiançailles avec la femme
qu'il trouva un jour, peu après la naissance de son sixième enfant, les veines
tranchées dans la chambre à coucher de sa maison de Moscou 16 [fig. 2]. On la voit ici à côté de lui, on dirait qu'il la
soutient, mais son regard à elle est fixé au-delà de lui, comme aspiré vers des
lointains funestes. Si l'on s'est plongé assez longtemps dans une telle image,
on aperçoit combien, ici aussi, les contraires se touchent la plus exacte
technique peut donner à ses produits une valeur magique, beaucoup plus que
celle dont pourrait jouir à nos yeux une image peinte. Malgré toute l'ingéniosité
du photographe, malgré l'affectation de l'attitude de son modèle, le spectateur
ressent le besoin irrésistible de chercher dans une telle image la plus petite
étincelle de hasard, d'ici et maintenant, grâce à quoi la réalité a pour ainsi
dire brûlé de part en part le caractère d'image, le besoin de trouver l'endroit
invisible où, dans l'apparence de cette minute depuis longtemps écoulée, niche
aujourd'hui encore l'avenir, et si éloquemment que, regardant en arrière, nous
pouvons le découvrir 17. Car la
nature qui parle à l'appareil est autre que celle qui parle à l'œil 18 autre d'abord en ce que, à la place
d'un espace consciemment disposé par l'homme, apparaît un espace tramé
d'inconscient. S'il nous arrive par exemple couramment de percevoir, fût-ce
grossièrement, la démarche des gens, nous ne distinguons plus rien de leur
attitude dans la fraction de seconde où ils allongent le pas. La photographie
et ses ressources, ralenti ou agrandissement 19, la révèlent. Cet inconscient optique, nous ne le découvrons
qu'à travers elle, comme l'inconscient des pulsions à travers la psychanalyse.
Les structures constitutives, les tissus cellulaires avec lesquels la technique
ou la médecine ont coutume de compter tout cela est au départ plus proche de l'appareil
photo qu'un paysage évocateur ou un portrait inspiré. Mais en même temps, la
photographie dévoile dans ce matériel les aspects physiognomoniques, les mondes
d'images qui habitent les plus petites choses : suffisamment expressifs,
suffisamment secrets pour avoir trouvé abri dans les rêves éveillés, mais qui,
ayant changé d'échelle, devenus énonçables, font désormais clairement apparaître
la différence entre technique et magie comme une variation historique. Ainsi Blossfeldt*, avec ses étonnantes photos de plantes, a
révélé à la vue, sous la prêle, la forme des colonnes antiques, sous la
fougère, la crosse épiscopale, derrière des pousses de marronnier ou d'érable
grossies dix fois, des totems, sous le chardon, un tympan gothique
Ces premiers humains
reproduits entrèrent dans l'espace visuel de la photographie sans antécédents
ou pour mieux dire sans légende. Le journal était encore un objet de luxe que
l'on achetait rarement et qu'on lisait plutôt au café, le procédé
photographique n'était pas encore devenu l'un de ses instruments, et peu
nombreux étaient les gens qui voyaient leur nom imprimé. Du visage humain émanait
un silence dans lequel reposait le regard. En bref, toutes les potentialités de
cet art du portrait tenaient à ce que le contact n'était
pas encore établi entre actualité et photographie 24. De nombreux portraits de Hill ont été exécutés dans le
cimetière des frères franciscains d'Edimbourg : rien n'est plus significatif de
cette époque si ce n'est à quel point les modèles semblent s'y sentir chez eux.
Sur une image de Hill, ce cimetière lui-même apparaît véritablement comme un
intérieur, une pièce isolée et close où les monuments funéraires s'élèvent du
sol, posés contre le mur mitoyen, à la façon d'une cheminée dont le foyer
accueillerait des inscriptions au lieu de flammes [fig. 5]. Mais jamais ce lieu
n'aurait pu produire un tel effet si son choix n'avait reposé sur des déterminations
techniques 25. Avec la faible
sensibilité des plaques anciennes, une longue exposition en extérieur était
indispensable 26. Ce qui supposait
pour l'opérateur de s'installer le plus à l'écart possible, dans un endroit où
rien ne dérangeât ses préparatifs. "La synthèse de l'expression, obtenue
par la longue pose du modèle, dit Orlik de la
photographie ancienne, est la principale raison pour laquelle ces épreuves,
malgré leur simplicité, produisent un effet plus pénétrant et plus durable que
des photographies plus récentes, à l'égal de bons portraits dessin‚s ou peints 27." Le procédé lui-même requérait
que le modèle vive, non en dehors, mais dans l'instant : pendant que durait la prise
de vue, il pouvait s'établir au sein de l'image dans le contraste le plus
absolu avec les apparitions qui se manifestent sur une photographie
instantanée. Celle-ci représente l'expression d'un environnement modifié dans
lequel, comme le remarque pertinemment Kracauer, il
dépend d'une fraction de seconde aussi brève que celle du temps de pose qu'
"un sportif devienne suffisamment célèbre pour que les photographes le
fassent poser pour les journaux illustrés 28."
Dans les anciennes images, tout était fait pour durer ; non seulement les
incomparables groupes que formaient les personnes (et dont la disparition fut
certainement l'un des symptômes les plus précis de ce qui se passait dans la
société de la seconde moitié du [dix-neuvième] siècle ),
même les plis que faisait un vêtement duraient plus longtemps. Qu'on observe
simplement la redingote de Schelling; ainsi vêtu, celui-ci peut accéder en
toute confiance à l'éternité : les formes qu'elle a prises à son contact ne
sont pas indignes des rides de son visage [fig. 6]. En bref, tout donne raison
à la supposition de Bernhard [sic] von Brentano 29 selon laquelle "un photographe
de 1850 est à la hauteur de son instrument", pour la première et la dernière
fois, avant longtemps.
II
Pour rendre plus présent
l'extraordinaire effet du daguerréotype à ses débuts, il faut se souvenir que
la peinture de plein air avait commencé à dévoiler de toutes nouvelles
perspectives aux peintres les plus avancés. Conscient que c'était précisément
dans ce domaine que la photographie prendrait le relais de la peinture, Arago,
lorsqu'il renvoie dans sa rétrospective historique aux travaux pionniers de Giovanni
Battista Porta 30
[sic], déclare explicitement : "Quant aux effets dépendant de l'imparfaite
diaphanet, de notre atmosphère, et qu'on a caractérisé
par le terme assez impropre de perspective aérienne, les peintres exercés
eux-mêmes n'esp‚raient pas que, pour les reproduire avec exactitude, la chambre
obscure [c'est-à-dire la copie des images qui y apparaissent] pût leur être
d'aucun secours 31." · l'instant même où il fut accord‚ à Daguerre de pouvoir fixer
les images de la chambre obscure, le technicien dit adieu au peintre. Pourtant,
la véritable victime de la photographie ne fut pas la peinture de paysage mais
le portrait en miniature. Les choses se développèrent si rapidement que, dès
1840, la plupart des innombrables miniaturistes embrassèrent la profession de
photographe, d'abord accessoirement, puis à plein temps
Cette image, dans son infinie
désolation, est un pendant des anciennes photographies, sur lesquelles les gens
n'apparaissaient pas encore abandonnés et seuls au monde comme ce garçonnet. Il
y avait une aura autour d'eux, un médium qui conférait à leur regard, lorsqu'il
y pénétrait, plénitude et sûreté. Là encore, l'équivalent technique est à portée
de main, et repose dans l'absolu continuum de la lumière la plus claire à
l'obscurité la plus noire 38. Là
encore est préservée la loi selon laquelle la technique nouvelle pousse la précédente
à son summum 39, puisque l'ancienne
peinture de portrait, avant son déclin, avait produit une floraison de mezzotinto.
Il s'agissait là bien sûr d'une technique de reproduction, ainsi qu'en
attestera plus tard son union avec la photographie. Chez Hill comme sur les
gravures en mezzotinto, la lumière se fraie malaisément un chemin hors de
l'ombre Orlik parle de cette "accumulation
lumineuse" due à la durée de l'exposition, "qui confère aux premières
photographies leur grandeur 40".
Et parmi les contemporains de l'invention, Delaroche remarquait déjà une
impression générale "jamais atteinte auparavant, précieuse, et qui ne nuit
en rien à la tranquillité des masses 41".
Ainsi en va-t-il de la détermination technique du phénomène auratique.
Certains portraits de groupe, tout particulièrement, retiennent encore un
certain bonheur d'être ensemble, qui apparaît pour un court instant sur la
plaque, avant de disparaître sur le "tirage original". C'est ce
cercle de vapeur, qui s'inscrira parfois joliment et judicieusement dans
l'ovale désormais passé de mode de l'encadrement. De sorte qu'on se trompe, à
propos des incunables de la photographie, en soulignant leur "goût"
ou leur "perfection artistique". Ces images ont été réalisées en des
endroits où, pour chaque client, le photographe représentait un technicien de
la nouvelle école, mais où chaque client ‚tait, pour le photographe, le membre
d'une classe montante 42 dont l'aura
venait se nicher jusque dans les plis de la redingote ou de la lavallière. Car
cette aura n'est certes pas le simple produit d'un appareil primitif. Bien
plus, il existait alors entre l'objet et la technique une correspondance aussi
aiguë que devait l'être leur opposition dans la période du déclin. Bientôt, en
effet, les progrès de l'optique devaient fournir des instruments qui allaient
chasser complètement l'obscurité et fournir un reflet fidèle des phénomènes.
Mais, à partir des années 1880, cette aura que le refoulement de l'obscurité
par des objectifs plus lumineux avait refoulée de l'image tout comme la croissante
dégénérescence de l'impérialisme bourgeois l'avait refoulée de la réalité les photographes voyaient comme leur tâche de
la simuler par tous les artifices de la retouche, en particulier l'usage de la
gomme bichromatée 43. Ainsi vit-on
advenir, du moins dans le style Art nouveau, la mode de tons crépusculaires,
traversés de reflets artificiels pourtant, malgré cette pénombre, se dessinait
de plus en plus clairement une posture dont la raideur trahissait l'impuissance
de cette génération devant le progrès technique.
Et pourtant, ce qui demeure
décisif en photographie, c'est toujours la relation du photographe à sa
technique 44. Camille Recht l'a caractérisé dans une belle métaphore "Le
violoniste, dit-il, doit d'abord créer la note, il doit la chercher, la trouver
en un éclair, tandis que le pianiste frappe sur une touche la note retentit. Le
peintre comme le photographe ont un instrument à leur disposition. L'usage du
dessin et du coloris correspondent à la création du
violoniste le photographe partage avec le pianiste l'aspect mécanique, soumis à
des lois contraignantes auxquelles échappe le violon. Aucun Paderewski ne
recueillera jamais la gloire ni n'exercera la magie légendaire d'un Paganini 45." Pourtant - pour filer la métaphore
- il est un Busoni 46 de la photographie,
et c'est Atget. Tous deux étaient des virtuoses, en même temps que des précurseurs.
Ils partagent un épanouissement sans exemple dans leur art, li‚ à la plus haute
précision. Même leurs choix respectifs ne sont pas sans parenté. Atget était un
comédien qui, dégoûté par son métier, renonça aux fards du théâtre pour démaquiller
la vérité 47. Il vivait à Paris,
pauvre et inconnu, et bradait ses photos à des amoureux guère moins
excentriques que lui. Il est mort récemment, laissant derrière lui une oeuvre
de plus de quatre mille images 48. Berenice Abbot, de New York, a
rassemblé ces épreuves et un recueil d'une remarquable beauté, édité par
Camille Recht, vient de paraître*. Les journaux de
son temps "ignoraient tout de l'homme qui faisait souvent le tour des
ateliers avec ses photographies, les distribuant pour quelques sous, souvent
pour le prix d'une carte postale, de celles qui montraient si joliment la ville
plongée dans la nuit bleue, avec une lune retouchée. Il avait atteint le pôle
de la maîtrise suprême, mais sur cette maîtrise acharnée d'homme de grand métier,
lui qui vivait toujours dans l'ombre avait oubli‚ de planter son drapeau. C'est
pourquoi certains peuvent penser avoir découvert le pôle qu'Atget avait atteint
avant eux 49." De fait, les
photos parisiennes d'Atget annoncent la photographie surréaliste, avant-garde
de la seule colonne véritablement importante que le surréalisme ait réussi à
mettre en branle. C'est lui qui, le premier, désinfecte l'atmosphère étouffante
qu'avait propagée le portrait conventionnel de l'époque du déclin 50. Il lave, il assainit cette
atmosphère il entame la libération des objets de leur aura, mérite
incontestable de la plus récente école photographique. Quand les revues
d'avant-garde Bifur ou Variété 51 publient, sous les intitulés "Westminster",
"Lille", "Anvers" ou "Breslau", de simples détails
- ici, un morceau de balustrade et la cime d'un arbre chauve dont les branches
s'entrecroisent devant un lampadaire à gaz là, un mur mitoyen ou un candélabre
avec une bouée de sauvetage sur laquelle on peut lire le nom de la ville -
elles ne font que pointer littérairement des motifs découverts par Atget. Il
recherchait ce qui se perd et ce qui se cache, et c'est pourquoi ses images
contredisent la sonorité exotique, chatoyante, romantique des noms de ville
elles aspirent l'aura du réel comme l'eau d'un bateau qui coule. Qu'est-ce au fond que l'aura? Un singulier entrelacs
d'espace et de temps unique apparition d'un lointain, aussi proche soit-elle.
Reposant par un jour d'été, à midi, suivre une chaîne de montagnes à l'horizon,
ou une branche qui jette son ombre sur le spectateur, jusqu'à ce que l'instant
ou l'heure ait part à leur apparition : c'est respirer l'aura de ces
montagnes, de cette branche. Il y a en effet aujourd'hui une propension aussi
passionnée à rapprocher les choses de soi, ou plutôt des masses, qu'à triompher
en chaque occasion de l'unicité par leur reproduction. Jour après jour, le
besoin se fait plus pressant de posséder la plus grande proximité avec l'objet
dans l'image ou plutôt dans sa copie. Et la copie, telle que la livrent journaux
illustrés ou actualités filmées, se distingue évidemment de l'image. Unicité et
permanence sont aussi étroitement liées dans celle-ci que fugacité et reproductibilité
dans celle-là. Débarrasser l'objet de son enveloppe, en détruire l'aura, est la
marque d'une perception dont le sens de l'égalité s'est développé de telle façon
qu'elle l'applique également à l'unicité par la reproduction. Atget est presque
toujours passé à côté des "belles vues et des soi-disant curiosités 52" mais pas d'une longue rangée de bottines [fig.
9], ni d'une cour parisienne où s'alignent en rang du matin au soir les charrettes
à bras, ni d'une table après le repas, quand la vaisselle n'a pas encore été rangée,
comme il s'en trouve au même instant des centaines de milliers, ni du bordel
rue ***, no 5 dont le cinq est écrit en
grand à quatre endroits différents de la façade. Pourtant, curieusement,
presque toutes ces images sont vides. Vide la porte d'Arcueil près des fortifs,
vides les escaliers d'honneur, vides les cours, vides les terrasses des cafés,
vide, comme il se doit, la place du Tertre 53.
Non pas déserts mais mornes sur ces images, la ville est évacuée, comme un
appartement qui n'a pas encore trouvé de nouveau locataire. Ces capacités sont
celles par lesquelles la photographie surréaliste installe une salutaire
distance entre l'homme et son environnement. Elle laisse le champ libre au
regard politiquement éduqué, devant lequel toute intimité cède la place à
l'éclaircissement du détail.
III
Il est clair que ce nouveau
regard trouvera moins son profit là où l'on a été le plus négligent : dans le
portrait commercial officiel. D'un autre côté, renoncer à la figure humaine
représente pour la photographie l'objectif le plus irréalisable. · celui qui l'ignorerait, les meilleurs films russes ont
appris que le milieu 54 et le paysage
ne se dévoilent que pour celui qui, parmi les photographes, sait les saisir
dans leur manifestation anonyme sur un visage. Cependant, la condition de cette
possibilité repose presque exclusivement sur celui qui est représenté. La génération
qui ne tenait pas absolument à passer à la postérité par la photographie, mais
se retranchait avec pudeur dans son espace vital à l'occasion d'un tel cérémonial
- comme Schopenhauer enfoncé dans son fauteuil sur le portrait exécuté en 1850
à Francfort - a laissé pour cette raison cet espace vital avec elle sur la
plaque : cette génération n'a pas transmis ses vertus. C'est alors que, pour la
première fois depuis plusieurs décennies, les films russes permirent de laisser
agir des gens devant une caméra sans en faire un usage photographique.
Immédiatement, sur la plaque, la figure humaine dévoilait une nouvelle, une
incommensurable signification. Mais ce n'était plus du portrait. Qu'était-ce ?
C'est l'éminent mérite d'un photographe allemand que d'avoir répondu à cette
question. August Sander* a rassemblé une série de têtes qui ne le cède en rien
à la puissante galerie physiognomonique d'un Eisenstein ou d'un Poudovkine et
il l'a fait d'un point de vue scientifique. "Son oeuvre globale est
constituée de sept groupes correspondant à une classe sociale déterminée; il
doit être publié sous la forme d'environ quarante-cinq albums comprenant chacun
douze photographies 55." Pour
l'instant, un recueil comprenant un choix de soixante reproductions est
disponible, qui offre une matière inépuisable à l'observation. "Sander
commence par les paysans, les hommes attachés à la terre, puis conduit
l'observateur à travers toutes les couches et tous les métiers jusqu'aux représentants
de la plus haute civilisation et redescend jusqu'aux idiots 56." L'auteur n'a pas abord‚ cette
tâche considérable en savant, inspiré par des théories raciales ou sociales,
mais, comme le précise l'éditeur, "en observateur direct 57". Cette observation est
certainement sans préjugés, audacieuse mais aussi tendre - au sens du mot de
Goethe : "Il existe une tendre expérience qui s'identifie intérieurement à
l'objet et devient ainsi une véritable théorie 58." Ainsi n'est-il pas surprenant qu'un observateur comme Dôblin s'intéresse précisément aux aspect scientifiques de
cette oeuvre et remarque : "De même qu'il existe une anatomie comparée,
éclairant notre compréhension de la nature et de l'histoire de nos organes, de
même Sander nous propose-t-il la photographie comparée une photographie
d‚passant le détail pour se placer dans une perspective scientifique 59." Ce serait pitié que les
conditions économiques empêchent la poursuite de la publication d'un corpus
aussi extraordinaire. En sus de cet encouragement sur le fond, on peut en
adresser un autre, plus précis, à l'éditeur. Des oeuvres comme celle de Sander
peuvent acquérir du jour au lendemain une actualité imprévue. Les changements
de pouvoir qui nous attendent 60
requièrent comme une nécessité vitale d'améliorer et d'aiguiser le savoir
physiognomonique. Que l'on soit de droite ou de gauche, il faudra s'habituer à
être examiné, tout comme soi-même on examinera les autres. L'oeuvre de Sander
est plus qu'un recueil d'images c'est un atlas d'exercices 61.
"Il n'existe à notre époque
aucune oeuvre d'art que l'on considère aussi attentivement que son propre
portrait photographique, ceux de ses parents, de ses amis ou de l'être aimé 62", écrivait dès 1907 Alfred Lichtwark, ramenant ainsi l'investigation du domaine des
distinctions esthétiques vers celui des fonctions sociales. Ce n'est qu'à
partir de là qu'elle peut poursuivre son avancée. Il est significatif que le
débat se soit le plus souvent figé autour d'une esthétique de "la
photographie comme art", alors qu'on n'accordait par exemple pas la
moindre attention au fait social nettement plus consistant de "l'art comme
photographie". Pourtant, les effets de la reproduction photographique des
oeuvres sont d'une tout autre importance pour la fonction de l'art que la réalisation
d'une photographie plus ou moins artistique dans laquelle l'événement se
transforme en "prise" photographique. De fait, l'amateur rentrant
chez lui avec son butin d'épreuves artistiques originales n'est pas plus réjouissant
qu'un chasseur qui ramènerait une telle masse de gibier qu'il faudrait ouvrir
un magasin pour l'écouler. Le jour n'est pas loin où il y aura plus de journaux
illustrés que de vendeurs de gibier et de volaille. Mais oublions le "shooting". Que l'on se tourne vers la photographie
comme art ou vers l'art comme photographie, l'accent se déplace sensiblement.
Chacun a pu faire l'observation selon laquelle une représentation, en
particulier une sculpture, ou mieux encore un édifice, se laissent mieux
appréhender en photo qu'en réalité. La tentation est grande de repousser cela
comme un déclin du sens artistique, une démission de nos contemporains. Mais
ceux-ci doivent constater combien, avec l'apprentissage des techniques de
reproduction, s'est modifiée la perception des grandes oeuvres. On ne les
perçoit plus comme la création d'un individu elles sont devenues des
productions collectives, si puissantes que pour les assimiler, il faut d'abord
les rapetisser. En fin de compte, les procédés de reproduction sont des
techniques de réduction qui confèrent un certain degré de maîtrise à des oeuvres
qui, sans cela, deviendraient inutilisables 63.
Si l'on cherchait la caractéristique
majeure des relations contemporaines de l'art et de la photographie, ce serait
l'insupportable tension que leur impose la photographie des oeuvres d'art.
Nombre de ceux qui, en tant que photographes, influent sur la physionomie de
cette technique, viennent de la peinture. Ils lui ont tourné le dos après avoir
cherché à rapprocher d'une façon vivante et évidente ce moyen d'expression de
la vie actuelle. Plus était vive leur attention au contemporain, plus leur
point de départ leur devenait problématique. Comme il y a quatre-vingts ans, la
photographie a pris le relais de la peinture. "Le potentiel créateur de la
nouveauté, dit Moholy-Nagy, est souvent recouvert par les formes, les
instruments ou les catégories anciennes, que l'apparition du nouveau rend déjà
caduques, mais qui, sous sa pression même, produisent une dernière floraison
euphorique. Ainsi, par exemple, la peinture futuriste (statique) nous livra une
problématique clairement définie (qui s'annula elle-même plus tard) de la
simultanéité cinétique, de la mise en forme du moment temporel, et cela à une époque
où le cinéma existait déjà, sans avoir fait cependant l'objet d'une réflexion sérieuse.
[_] Enfin on peut « avec prudence » considérer certains des peintres
qui mettent aujourd'hui en oeuvre des moyens de représentation figuratifs (néoclassicisme
et peintres de
Si la photographie
s'affranchit du contexte que fournissent un Sander, une Germaine Krull ou un Blossfeldt, si elle
s'émancipe des intérêts physiognomoniques, politiques ou scientifiques, alors
elle devient "créatrice". L'affaire de l'objectif devient le
"panorama" l'éditorialiste marron de la photographie entre en scène.
"L'esprit, surmontant la mécanique, interprète ses résultats exacts comme
des métaphores de la vie 67."
Plus la crise actuelle de l'ordre social s'étend, plus ses moments singuliers
s'entrechoquent avec raideur dans un antagonisme total, plus la création - dont
le caractère fondamental est la variabilité, la contradiction le père et la contrefaçon
la mère - devient un fétiche dont les traits ne doivent l'existence qu'à
l'alternance des éclairages à la mode. "Le monde est beau 68", telle est sa devise. En elle
se dissimule la posture d'une photographie qui peut installer n'importe quelle
boîte de conserve dans l'espace, mais pas saisir les rapports humains dans
lesquels elle pénètre, et qui annonce, y compris dans ses sujets les plus chimériques,
leur commercialisation plutôt que leur connaissance. Mais puisque le vrai
visage de cette création photographique est la publicité ou l'association, son
véritable rival est le dévoilement ou la construction. "La situation, dit
Brecht, se complique du fait que, moins que jamais, une simple
"reproduction de la réalité" n'explique quoi que ce soit de la
réalité. Une photographie des usines Krupp ou AEG n'apporte à peu près rien sur
ces institutions. La véritable réalité est revenue à la dimension
fonctionnelle. La réification des rapports humains, c'est-à-dire par exemple
l'usine elle-même, ne les représente plus. Il y a donc bel et bien
"quelque chose à construire", quelque chose d' "artificiel",
de "fabriqué" 69." Le
mérite des surréalistes est d'avoir préparé la voie à une telle construction
photographique. Une seconde étape dans l'affrontement entre photographie
construite et photographie créatrice fut le cinéma russe. Rien là que de plus
normal : les performances de ses réalisateurs n'étaient possibles que dans un
pays où la photographie ne repose pas sur l'excitation et la suggestion, mais
sur l'expérimentation et l'apprentissage. En ce sens, et en ce sens seulement,
peut-on encore donner une signification à l'accueil grandiloquent que fit en
1855 le peintre d'idées mal dégrossi Antoine Wiertz à la photographie :
"Il nous est né, depuis peu d'années, une machine, l'honneur de notre époque,
qui, chaque jour, étonne notre pensée et effraie nos yeux. Cette machine, avant
un siècle, sera le pinceau, la palette, les couleurs, l'adresse, l'habitude, la
patience, le coup d'oeil, la touche, la pâte, le glacis, la ficelle, le modelé,
le fini, le rendu. [_] Qu'on ne pense pas que le daguerréotype tue l'art. [_]
Quand le daguerréotype, cet enfant géant, aura atteint l'âge de maturité; quand
toute sa force, toute sa puissance se seront développées, alors le génie de
l'art lui mettra tout à coup la main sur le collet et s'écriera : « à moi !
Tu es à moi maintenant ! Nous allons travailler ensemble » 70."
Les mots par lesquels
Baudelaire annonce la nouvelle technique à ses lecteurs quatre ans plus tard,
dans son Salon de 1859, sont autrement plus froids, voire pessimistes. Pas plus
que ceux qu'on vient de citer, on ne peut les lire aujourd'hui sans en déplacer
l'accent. Mais comme ils forment le pendant de l'enthousiasme de Wiertz, ils
ont gardé la valeur aiguë d'une défense contre toutes les usurpations de la
photographie artistique. "Dans ces jours déplorables, une industrie
nouvelle se produisit, qui ne contribua pas peu à confirmer la sottise dans sa
foi [_], que l'art est et ne peut être que la reproduction exacte de la nature
[_]. Un Dieu vengeur a exaucé les voeux de cette multitude. Daguerre fut son
messie 71." Et : "S'il est
permis à la photographie de suppléer l'art dans quelques-unes de ses fonctions,
elle l'aura bientôt supplanté ou corrompu tout à fait, grâce à l'alliance
naturelle qu'elle trouvera dans la sottise de la multitude. Il faut donc
qu'elle rentre dans son véritable devoir, qui est d'être la servante des
sciences et des arts 72."
Mais une chose est passée
inaperçue de Wiertz comme de Baudelaire, c'est l'injonction qui repose dans
l'authenticité de la photographie. Si un reportage dont les clichés n'ont
d'autre effet que de s'associer par le biais du langage permet de l'escamoter,
cela ne sera pas toujours possible. L'appareil photo deviendra toujours plus
petit, toujours plus prompt à saisir des images fugaces et cachées, dont le
choc éveille les mécanismes d'association du spectateur. Ici doit intervenir la
légende, qui engrène dans la photographie la littéralisation
des conditions de vie, et sans laquelle toute construction photographique
demeure incertaine. Ce n'est pas en vain que l'on a comparé les clichés d'Atget
au lieu du crime 73. Mais chaque
recoin de nos villes n'est-il pas le lieu d'un crime ? Chacun des passants
n'est-il pas un criminel ? Le photographe « successeur de l'augure et de
l'haruspice » n'a-t-il pas le
devoir de découvrir la faute et de dénoncer le coupable sur ses images ?
"L'analphabète de demain ne sera pas celui qui ignore l'écriture, a-t-on
dit, mais celui qui ignore la photographie 74."
Mais ne vaut-il pas moins encore qu'un analphabète, le photographe qui ne
saurait pas lire ses propres épreuves ? La légende ne deviendra-t-elle pas l'élément
le plus essentiel du cliché ? Telles sont les questions par lesquelles les neuf
décennies qui séparent les contemporains de la daguerréotypie déchargent leurs
tensions historiques. C'est à la lueur de ces étincelles, sortant de l'ombre du
quotidien de nos grands-pères, que se montrent les premières photographies, si
belles et inapprochables.
Walter Benjamin
(Traduit de l'allemand par
André Gunthert)
NOTES :
Le texte est traduit à partir
de l'édition originale parue dans Die Literarische Welt, qui présente quelques différences de détail avec la
version des Gesammelte Schriften
(ci-dessous GS). Les divisions correspondent aux trois livraisons de l'article,
les 18 septembre, 25 septembre et 2 octobre 1931. Les notes de Walter Benjamin
sont signalées par des astérisques, celles du traducteur par des appels de note
en chiffres. Les références des ouvrages cités en abrégé sont détaillées dans
la bibliographie (voir p. 36).
Le traducteur tient à
remercier pour leur concours Clément Chéroux, Olivier
Lugon et Jean-Claude Lebensztejn.
L'édition critique du texte a été élaborée à l'occasion d'un cours au département
Image photographique (Paris VIII), durant l'année universitaire 1995-1996.
* Helmuth Th. Bossert et
Heinrich Guttmann, Aus der Freihzeit der Photographie, 1840-1870 (200 fig.),
Francfort/Main, Societäts-Verlag, 1930ÿ; Heinrich Schwarz, David Octavius Hill,
der Meister der Photographie (80 fig.) Leipzig, Insel-Verlag, 1931 (note de W.
B.).
* Karl Blossfeldt, Urformen der
Kunst (intr. Karl Nierendorf), 120 fig., V. Ernst Wasmuth, Berlin [1928] (note
de W. B.).
* [Eugène] Atget, Lichtbilder (édit‚
par Camille Recht), Ed. Henri Jonquières,
Paris, Leipzig, 1931 (note de W. B.).
* August Sander, Antlitz der
Zeit, Munich, Kurt Wolff, 1929 (note de W. B.).
1. Le début de l'article est fortement inspiré du texte de
Schwarz, auquel sont notamment emprunt‚es la comparaison de la photographie et
de l'imprimerie (que l'on retrouve dans plusieurs autres ouvrages d'histoire de
la photographie allemands de l'époque, cf. Erich Stenger,
Geschichte der Photographie, Berlin, VDI Verlag, 1929), ainsi que l'idée du caractère inéluctable de
l'invention ("l'heure était venue") - elle-même empruntée à
l'historiographie de l'imprimerie et promise, via Freund (1936), à un grand
avenir. La fin de cette première phrase ("fixer dans la camera obscura") est reprise presque mot pour mot de Matthies-Masuren, p. 19.
2. "Öffentliche Sache", jeu de
mots de latiniste, est l'équivalent allemand du fameux Res
publica. Benjamin oublie curieusement de situer, par
l'indication d'un millésime, les déïtiques temporels
de son introduction. Les "cinq ans d'efforts" correspondent à la période
de collaboration officielle entre Niepce et Daguerre, inaugurée par contrat en
1829 et interrompue en 1833 par la mort de Niepce, six ans avant la divulgation
du daguerréotype, en 1839.
3. Cf. Bossert & Guttmann
(" dater de cette époque, [les] créations [de la photographie] sont
tellement fausses et prétentieuses, et si loin de notre conception actuelle,
qu'il faut s'abstenir de reproduire des photographies postérieures à
1870", s. p. [p. 3]) ; également Orlik, p. 36-37
et Schwarz, p. 20.
4. Dans cette première partie du texte, les unités historiques
forgées par Benjamin manquent singulièrement de précision. La période que suggèrent
ses exemples pourrait recouvrir grossièrement les années 1850-1860, soit la
deuxième (et non la première) décennie après la divulgation du daguerréotype.
Toutefois, David-Octavius Hill (et Robert Adamson) ayant pratiqué la photographie entre 1843 et 1847,
Charles-Victor Hugo en 1852, Félix Nadar à partir de 1854
et Julia Margaret Cameron à partir de 1860, il est impossible de réunir leurs travaux
sous la même décennale. A la décharge de Benjamin, les sources qu'il utilise
proposent souvent une chronologie confuse, en particulier lors de la mention
des procédés négatif-positif (ou photographie
proprement dite, par opposition à l'héliographie et au daguerréotype) :
"Quelques chercheurs placent l'origine de la photographie vers 1860 ; à
cette époque la daguerréotypie fut supplantée par le négatif sur plaque de
verre et le tirage sur papier" (Bossert & Guttmann, s. p. [p. 3]).
5. Il s'agit d'André-Adolphe Disdéri (1819-1889), qui dépose en 1854 le brevet de la
carte de visite photographique (cité notamment par Schwarz). On notera encore
une fois le caractère hasardeux de la chronologie esquissée par Benjamin.
6. Déclenchée aux Etats-Unis en octobre 1929, la crise économique
atteint l'Allemagne fin 1930 et bat son plein au moment de la rédaction de cet
article (le nombre de chômeurs y passe de 3,7 millions en décembre 1930 à 6
millions en décembre 1931).
7. La "Petite histoire" doit probablement son existence
à cette rare conjonction éditoriale : la parution coup sur coup de trois
recueils d'images consacrés à la photographie ancienne (Bossert
& Guttmann, Schwarz, Atget ; pour une situation
historiographique de ces ouvrages, voir Martin Gasser, "Histories of Photography, 1839-1939", History
of Photography, vol. 16, n° 1, printemps 1992, p.
55-57), elle-même contemporaine de la publication de plusieurs autres albums
remarquables (Blossfeldt, Renger-Patzsch,
Sander). Benjamin avait consacré dès 1928 une première note de lecture à
l'ouvrage de Blossfeldt ("Neues
von Blumen", cf.
bibl.), et le premier projet de la "Petite histoire" consiste probablement
en un compte rendu groupé desdites parutions.
8. Anon., Leipziger Anzeiger,
v. 1840, cité d'après Dauthendey, p. 39-40 (cf. note 15). L'erreur de Benjamin
("Stadtanzeiger" pour Anzeiger)
correspond à l'accentuation du caractère local du journal. Corrigée dans la
version des GS, cette erreur conduit Joan Fontcuberta
à dénier toute réalité à l'extrait cité (puis à se tromper à son tour, en
intervertissant Karl et Max Dauthendey, cf. Joan Fontcuberta,
Le Baiser de Judas. Photographie et vérité, Arles, Actes-Sud,
1996, p. 22-23).
9. Arago, p. 500. Contrairement à ce qu'indique la note
correspondante des GS, Benjamin n'utilise pas ici la version du discours
traduite par Josef-Maria Eder dans sa Geschichte der Photographie de 1905 (il n'a apparemment pas
consulté cet ouvrage), mais celle de l'édition allemande des oeuvres complètes
d'Arago (Sämtliche Werke, éd.
de W. G. Hankel, Leipzig, V. Otto Wigand, 1854-1856,
t. VII). Gisèle Freund, qui n'hésite pas, dans sa thèse de 1936, à piller à
plusieurs reprises la "Petite histoire", reprend par exemple
textuellement l'expression de Benjamin concernant Arago (cf. Freund, p. 39.
Rappelons à ce propos que Walter Benjamin et Gisèle Freund ne feront
connaissance qu'en 1932, près d'un an après la publication de la "Petite
histoire").
10. Passage repris presque mot pour mot de Dauthendey, p. 32.
11. Reproduisant une tendance bien établie depuis le pictorialisme,
les ouvrages allemands de l'époque minimisent largement (quand ils ne
l'oublient pas tout à fait) le rôle du photographe Robert Adamson
(1821-1848). Benjamin ne fait ici que suivre ses sources : Matthies-Masuren,
Orlik, Schwarz ou Bossert
& Guttmann.
12. Cf. Schwarz : "Son nom est oublié, ses tableaux ont disparu,
rien ne pourrait les tirer de l'oubli, s'il n'avait laissé derrière lui une oeuvre
photographique incomparable" (p. 20).
13. Il s'agit de la seconde des quatre reproductions qui illustrent
la première livraison de l'article de Benjamin dans la Literarische
Welt (voir fig. 1), tirée de l'ouvrage de Schwarz
(fig. 26) : le portrait de Mrs Elizabeth (Johnstone)
Hall (cf. Sara Stevenson, D. O. Hill and R. Adamson, Edimbourg, National Gallery
of Scotland, 1981, p. 196). Devant l'éloquence de Benjamin, il est intéressant
de noter qu'il ne connaît de cette image (comme toutes les photographies
historiques auxquelles il est fait allusion dans cet article) que les médiocres
reproductions publiées (pour l'essentiel, dans Schwartz ou Bossert
& Guttmann).
14. Citation des quatre derniers vers du poème "Standbilder. Das sechste" de Stefan George (cf. bibl.). L'interrogation formulée par ces vers suit, au
quatrain précédent, la description d'impressionnants portraits (" Peur et
désir ‚veillent les noms sonnants/De puissants princes et chefs en or et
rubis/Leurs têtes me regardent dans des cadres craquelés/Dans leur obscurité
argentée et leur pâle carmin").
15. Karl Dauthendey (1819-1896), pionnier du daguerréotype en
Allemagne. Son fils, le poète Max Dauthendey, lui consacrera un livre de
souvenirs, souvent mentionné comme un ouvrage de référence sur les premiers
temps de la photographie (cf. Orlik, p. 33, Bossert & Guttmann, s. p. [p.
4]). Le double portrait auquel fait allusion Benjamin, reproduit d'après Bossert & Guttmann (fig. 128,
datée 1857), constitue la première illustration de l'article. La surenchère
interprétative à laquelle donne lieu ce très banal portrait d'atelier prend
visiblement sa source, beaucoup plus que dans l'image, dans le texte
autobiographique de Dauthendey (cf. note suivante).
16. Benjamin opère ici une confusion extrêmement intéressante. Le
livre de souvenirs de Max Dauthendey relate brièvement le décès, en 1855, de la
première femme de son père, Karl (cf. Dauthendey, p. 114). Le récit enchaîne
immédiatement sur la description d'une photographie plus ancienne du jeune
couple, conservée par la demi-soeur de Max, commentée en ces termes : "On
ne voit encore aucune trace du malheur futur sur cette image, sinon que le mâle
regard de mon père, sombre et appuyé, trahit une brutalité juvénile,
susceptible de blesser cette femme qui le contemple attentivement."
(Ibid., p. 115). Mais il ne s'agit pas de la même femme : celle qui figure aux
côtés du photographe dans l'ouvrage de Bossert & Guttmann est la seconde femme de Karl Dauthendey, Mlle
Friedrich (1837-1873), qu'il épousera deux ans plus tard. Superposant la
description narrative d'une photographie à l'image qu'il a sous les yeux,
Benjamin confond les deux épouses, et, empruntant au récit du poète sa
technique de "prophétie rétrospective", il la déplace du regard
masculin au regard féminin : produisant sur cette image une construction
complexe, mais absolument fantasmatique (cf. A. Gunthert,
"Le complexe de Gradiva", Etudes
photographiques, n° 2, mai 1997, p. 118-121.
17. Souvenir des "petites perceptions" de Leibniz :
"On peut même dire qu'en conséquence de ces petites perceptions le présent
est plein de l'avenir et chargé du passé [_] et que dans la moindre des
substances, des yeux aussi perçants que ceux de Dieu pourraient lire toute la
suite des choses de l'univers" (Gottfried Wilhelm
Leibniz, Nouveaux Essais sur l'entendement humain (éd. J. Brunschwig),
Paris, Flammarion, 1990, p. 42).
18. Le passage qui s'ouvre ici (et se clôt avec la mention de Blossfeldt) reprend un développement similaire de Malerei Photographie Film de Laszlo Moholy-Nagy (1925, p.
22). Si l'on doit bien à Benjamin l'expression d' "inconscient
optique" (Optisch-Unbewussten), celle-ci apparaît
comme le pendant du "devenir-conscient" (Bewusstwerden) de Moholy-Nagy (ibid.).
19. "Zeitlupen oder
Vergr”sserungen", dit
le texte (hardiment traduit par "ralenti et accéléré" par Maurice de Gandillac). Si l'agrandissement (Vergrässerung)
correspond bien à un procédé photographique, que vient faire ici Zeitlupe (ralenti, par opposition à Zeitrafferÿ:
accéléré), terme de l'univers cinématographique ? Il semble bien que Benjamin
confonde ce mot, d'emploi relativement récent en allemand, avec le substantif qui
exprime l'effet visuel d'arrêt sur image : l'instantané (Momentaufnahme).
Outre le sens littéral du terme ("loupe temporelle"), qui le rapproche
tout naturellement de Vergrässerung, le texte de
Moholy-Nagy, duquel s'inspire ce passage (voir note ci-dessus), s'articule bel
et bien autour de deux types d'exemples : ceux issus de l'analyse scientifique
du mouvement (marche, saut, galop), ceux dus à l'agrandissement (formes
zoologiques, botaniques et minérales), appuyés sur plusieurs illustrations
(Moholy-Nagy, 1925, p. 22). Le fait que Moholy
utilise également quelques pages plus loin le terme de Zeitlupe
(p. 29) peut venir confirmer cette hypothèse.
20. Cf. Blossfeldt, respectivement p. 17,
123, 37, 39, 99. Passage repris avec quelques modifications de W. B., "Neues von Blumen",
p. 153.
21. Schwarz, p. 42.
22. Henry H. Snelling,
"The History and Practice of the Art of Photography", 1849, cité d'après Schwarz, ibid.
23. Dauthendey, p. 46-47.
24. Cf. W. B., "Nichts gegen
die 'Illustrierte'" (1925).
25. Ce passage s'inspire d'Orlik :
"C'est justement cette faiblesse d'une nouvelle technique à ses débuts qui
rend ses effets artistiques si puissants" (p. 38).
26. Il s'agit bien sûr d'une approximation historique. Comme on sait,
les procédés utilisables en extérieur furent longtemps beaucoup moins sensibles
que ceux qui requéraient la proximité immédiate du laboratoire.
27. Orlik, p. 38-39. Emil
Orlik (1870-1932) est un dessinateur et graphiste
berlinois.
28. Kracauer, p. 94.
29. Bernard von Brentano (1901-1964),
journaliste, écrivain et ami de W. B. est alors correspondant de la Frankfurter Zeitung. Nous n'avons
pu retrouver l'origine de la citation.
30. Giambattista Della
Porta (v. 1535-1615), physicien italien.
31. Arago, p. 465.
32. Le passage sur le portrait en miniature est emprunt‚ presque mot
pour mot à Matthies-Masuren, p. 4-6 ("Sa première
victime fut le portrait en miniature. La chose se développa si vite que la
plupart des miniaturistes actifs autour de 1840 devinrent photographes",
etc.).
33. Félix Nadar (1820-1910), Carl Ferdinand Stelzner
(1805-1894), Louis Pierson (1822-1913), Hippolyte
Bayard (1801-1887): Benjamin trouve ces informations dans les légendes des
illustrations de Bossert & Guttmann
(qui donne faussement 1818 pour date de naissance à Pierson,
lui faisant atteindre 95 ans).
34. Emprunt manifeste, là encore, à Lichtwark
dans Matthies-Masuren (p. 7, Benjamin croit bien
faire en ajoutant la précision "sur négatif", qu'il reprend à Bossert & Guttmann, s. p. [p.
3]). · dire vrai, la thèse de la montée de la retouche comme signe de décadence
de la photographie est la conviction la mieux partagée des sources consultées
par W. B. (voir également Orlik, p. 37; Schwartz, p.
38). Cette thèse est évidemment dénuée de tout fondement historique, et repose
sur la vieille mal‚diction qui frappe la pratique « toujours honteuse,
mais toujours attestée » de l'intervention manuelle sur le subjectile
photographique (voir notamment la controverse opposant Paul Périer
à Eugène Durieu dans les colonnes du Bulletin de
35. Plusieurs photographies du début du siècle, issues de l'album
familial des Benjamin (comprenant notamment Walter en Tyrolien ou en marin) ont
été publiées, voir notamment Brodersen, p. 19-21 et Scheurmann, p. 16-17.
36. Henry Peach Robinson, Photographic News, 1856, cité d'après Matthies-Masuren,
p. 22 (l'ensemble du passage sur les accessoires est fortement inspiré du même
ouvrage, p. 55-57).
37. Le premier ouvrage consacré à Franz Kafka (Hellmuth
Kaiser, Franz Kafkas Inferno,
Vienne, 1931) vient de paraître. Benjamin, qui s'intéresse depuis longtemps à
cet auteur et a notamment prononcé cette même année un exposé radiophonique
consacré à la parution du recueil
38. Le développement sur la manière noire est emprunté, parfois mot
pour mot, à Schwarz, p. 38-39.
39. Il s'agit de la citation de Moholy-Nagy que Benjamin fera plus
loin (cf. infra, p. 25).
40. Orlik, p. 38.
41. Paul Delaroche, cité d'après Schwarz, p. 39. Celui-ci propose une
adaptation allemande (retraduite ici), qui inverse le sens du texte original
(cf. Arago p. 493 : "[_] le fini d'un précieux inimaginable ne trouble en
rien la tranquillité des masses, ne nuit en aucune manière à l'effet général").
42. Cf. Orlik, p. 37.
43. Quoique reposant sur des informations issues d'Orlik (pour les objectifs) ou Matthies-Masuren
(pour les pratiques de la retouche), le développement sur l'aura apparaît bel
et bien comme une hypothèse propre à Benjamin. Faut-il y voir la raison de
l'extrême confusion du passage ? L'association des paramètres techniques ou
sociologiques « eux-mêmes hasardeux » qu'il propose ne renvoie à
aucune réalité identifiable de l'histoire de la photographie.
44. Idée adaptée de Schwarz, p. 13.
45. Ignace Paderewski (1860-1941) fut pianiste virtuose. Niccolo Paganini (1782-1840) est le plus célèbre violoniste
de tous les temps. Camille Recht, in Atget, p. 9. La
conclusion du parallèle est la suivante : "A-t-on jamais comparé un
pianiste virtuose avec un maître du violon ?" (Ibid.)
46. Ferruccio Busoni (1866-1924) pianiste
virtuose, s'installe à Berlin à partir de 1894.
47. Emprunt‚ à Camille Recht :
"[Atget] en avait assez du théâtre. Lui qui avait été forcé pendant de
longues années [_] de mimer les pères nobles ou les traîtres, avec le
maquillage et la barbe postiche des intrigants, se jeta avec la joie de la délivrance
[_] sur les petits sujets : les gens, les maisons, les boutiques, les caf‚s les choses du quotidien" (Atget, p. 9).
48. "On croit pouvoir affirmer que ses clichés atteignent un
nombre de plusieurs milliers : entre six et huit mille", ibid., p.
26.
49. Ibid., p. 8.
50. L'opposition que formule ici Benjamin puise peut-être l'une de
ses déterminations dans un fort contraste éditorial : face à l'avalanche de
portraits nostalgico-romantiques que présentent les
recueils tels ceux de Schwartz ou Bossert & Guttmann, l'iconographie d'Atget paraît en effet d'une
grande sobriété.
51. Cf. W. B.,
"Surrealistische Zeitschriften" (1930).
52. Atget, p. 17.
53. Ibid., respectivement fig. 7, 87, 15, 64, 63, 89, 44, 34, 65.
54. En français dans le texte : il s'agit du terme issu de la théorie
naturaliste (voir notamment mile Zola, Le Roman expérimental, Paris,
Charpentier, 1881, p. 185 sq.).
55. Sander (cité dans la traduction de Léa Marcou),
p. 1.
56. Ibid.
57. Ibid (même en omettant les guillemets, Benjamin continue de citer
l'annonce éditoriale de l'ouvrage).
58. Goethe, p. 435. Cette pensée fait suite à deux réflexions
concernant l'agrandissement (no 507 et 508).
59. Sander (cité dans la traduction de Léa Marcou),
p. 14. Sur la préface de Düblin, voir Vincent Lavoie, "Effeuillage du visage et perte de soi",
60. Plusieurs changements de gouvernement (dont un en octobre 1931,
le mois de la parution de la troisième livraison de la "Petite
histoire") ‚maillent une période troublée, qui a notamment vu les nazis
obtenir 107 sièges au Reichstag en septembre de l'année précédente.
61. On notera la grande cohérence du passage qui débute avec la
troisième livraison, et son absence de lien avec les développements précédents,
éléments qui indiquent une rédaction séparée, qui pourrait être celle de la
note de lecture sur l'ouvrage de Sander, incorporée après coup dans l'ensemble
formé par la "Petite histoire".
62. Matthies-Masuren, p. 16. Auteur de la
préface d'un des ouvrages les plus sollicités par Benjamin pour la rédaction de
sa "Petite histoire", Alfred Lichtwark
(1852-1914), célèbre historien d'art, était le directeur de
63. C'est … l'occasion de son compte rendu de l'ouvrage de Blossfeldt ("Neues von Blumen") que Benjamin
avait engagé la réflexion sur l'agrandissement et la réduction. Esquissée ici
de façon assez sommaire, cette problématique culminera dans "L'oeuvre d'art".
64. Moholy-Nagy
(1925), p. 22 (traduction adaptée
de Catherine Wermester, p. 92).
65. Tzara, p. 416. La traduction que fit Benjamin en 1924 de la pr‚face de Tzara pour l'album de photogrammes de Man Ray
(Les Champs délicieux, Paris, Société générale d'imprimerie et d'édition,
1922), dont il reprend ici un extrait, constitue la première trace de son
intérêt pour la photographie (cf. W. B., "Die Photographie von der Kehrseite").
66. Cf. Sasha Stone,
"Photo-Kunstgewebereien", Das Kunstblatt, vol.12, 1928, p. 86. Comme Germaine Krull, le
photographe Sasha Stone ‚tait un ami personnel de W.
Benjamin.
67. Nous n'avons malheureusement pu retrouver l'origine de cette
citation, qui fait toutefois penser aux critiques qui accueillirent le célèbre
ouvrage d'Albert Renger-Patzsch (cf. Carl Georg Heise, ["Einleitung"], Renger-Patzsch, p. 11, et Olivier Lugon,
68. Allusion au titre de l'ouvrage de Renger-Patzschÿ:
Die Welt ist schön.
69. Brecht, p. 469. Exprimant la même idée un an plus tôt, Brecht
l'attribue au "marxiste Sternberg" … propos des usines Ford (ibid.,
p. 443-444).
70. Wiertz, p. 309 (voir également Rouillé, op. cit.,
p. 245). Formée de termes d'un vocabulaire très spécialisé, la longue
énumération de Wiertz n'était pas facile à traduire, et Benjamin a trébuché sur
quelques mots : sa version oublie "ficelle", confond
"model‚" avec "modèle" (Vorbild)
et traduit "rendu" par "extrait" (Extrakt).
Maurice de Gandillac ayant retraduit ce passage de
l'allemand (comme toutes les autres citations de textes français de la
"Petite histoire", à l'exception du Salon de Baudelaire), il est
amusant de constater que les notes de l'édition Pléiade des oeuvres complètes
de Baudelaire citent à leur tour cette "traduction de traduction"
hasardeuse (cf. Baudelaire, p. 1391). Publiée en recueil en
71. Ibid., p. 616-617.
72. Ibid., p. 618.
73. Cf. Atget,
p. 18.
74. Moholy-Nagy (1928), p. 5 (cité dans la traduction de Catherine Wermester, p. 195). Benjamin avait déjà cité dès 1928 la
célébrissime formule du professeur du Bauhaus, dans son article sur Blossfeldt ("Neues von Blumen", p. 151).
Bibliographie
I. Walter Benjamin
a) Editions de la
"Petite histoire", "Kleine Geschichte der Photographie", Die Literarische
Welt, 7e année, no 38, 18 septembre, p. 3-4; no 39,
25 septembre, p. 3-4 et no 40, 2 octobre 1931, p. 7-8 [première édition du
texte, qui a servi ici de référence pour la traduction].
"Kleine
Geschichte der Photographie", Gesammelte Schriften (éd. Rolf Tiedemann, Hermann Schweppenh, user
et al.), Francfort/Main, Suhrkamp, 1982, t. II, vol.
1, p.368-385; notes: vol. 3, p. 1130-1143 [édition allemande de référence, qui
comporte une édition critique, malheureusement lacunaire et parfois fautive].
"Petite histoire de la
photographie", Essais1 (1922-1934) traduction française par Maurice de Gandillac, Paris, Denoël-Gonthier,
1983, p. 149-168 [réédition de la première traduction française, parue en 1971,
souvent brillante, mais qui comporte de nombreuses erreurs et ne correspondait
plus aux exigences actuelles de l'établissement d'un texte].
b) Autres textes de W. B. sur
la photographie
"Die Photographie von der Kehrseite"
(traduction allemande par W. B. de l'article de Tristan Tzara, "La
photographie … l'envers", cf. ci-dessous, II, b), G-Zeitschrift
fr Elementare Gestaltung,
1924, no 3, p. 29-30.
"Nichts gegen die 'Illustrierte'" [1925], GS, t. IV, vol. 1-2, p.
448-449.
"Neues
von Blumen" [Die Literarische Welt, 1928], GS, t.
III, p. 151-153, traduction fran‡aise par Christophe Jouanlanne, "Du nouveau sur les fleurs", in W.B.,
Sur l'art et la photographie, Paris, Carr‚, 1997,
p.69-73.
"Pariser Tagebuch (4. Feb.)" [Die Literarische Welt, 1930], GS,
t. IV, vol. 1-2, p. 580-582.
"Surrealistische Zeitschriften" [Die Literarische Welt, 1930],
GS, t.IV, vol.1-2, p.595-596.
"Die Mummerehlen"
[1932], Berliner Kindheit um Neunzehnhundert, GS, t. IV,
vol. 1, p. 260-263 ; traduction française par Jean Lacoste, "La commerelle", Sens unique précédé de Enfance
berlinoise, Paris, Maurice Nadeau, 1988 (2e ‚d. revue), p. 67-71.
ú "Ein Kinderbild", Franz Kafka. Zur zehnten Wiederkehr seines
Todestages [1934], GS, t. II, vol.2, p. 416-425.
"Daguerre oder die Panoramen" [1935], Das Passagen-Werk, GS, t. V, vol.
1, p. 48-49; traduction française par Jean Lacoste, "Daguerre ou les
panoramas", Paris, capitale du XIXe siècle, Paris, Cerf, 1993, p. 37-38.
"Pariser
Brief II. Malerei und Photographie" [Die Literarische
Welt, 1936], GS, t. III, p. 495-507ÿ; traduction
française par Marc B. de Launay, "Peinture et photographie", Les
Cahiers d'art du Centre Georges Pompidou, no 1, 1979, p. 40-45.
"Gisèle Freund. '
"Das
Kunstwerk im Zeitalter seiner technischen Reproduzierbarkeit"
[1936], GS, t. I, vol. 2, p. 431-508; traduction française par Pierre
Klossowski, "L'oeuvre d'art à l'époque de sa reproduction mécanisée"
[1936], Ecrits français (‚d. J.-M. Monnoyer), Paris, Gallimard, 1991, p.
140-171ÿ; par Maurice de Gandillac, "L'oeuvre
d'art à l'ère de sa reproductibilité technique" [1971], Essais 2 (op.
cit.), p. 87-126; par Christophe Jouanlanne,
"L'Oeuvre d'art à l'époque de sa reproductibilité technique", in
W.B., Sur l'art et la photographie, op. cit., p.
17-68.
"Y. [Die Photographie]" [v. 1928-v. 1937], Das Passagen-Werk, GS, t. V, vol. 2, p. 824-846 traduction
française par Jean Lacoste, "Y. [La photographie]", Paris, capitale
du XIXe siècle, Paris, Cerf, 1993, p. 685-703.
"über
einige Motive bei
Baudelaire (XI)" [1939], GS, t. I, vol. 2, p. 644-650 traduction française
par Maurice de Gandillac, revue par Jean Lacoste,
"Sur quelques thèmes baudelairiens (XI)", Charles Baudelaire. Un
poète lyrique à l'apogée du capitalisme, Paris, Payot, s.d. [1982], p. 196-205.
Quelques autres mentions apparaissent çà et là dans l'oeuvre
de Benjamin à propos de photographie mais, en l'espèce, son travail de loin le
plus important reste la "Petite histoire_".
Nombre de textes post‚rieurs (en particulier "L'oeuvre d'art_") ne
font que reprendre ses principaux développements.
II. Sources citées par W. B.
a) Sources historiques
François Arago, "Le
Daguerréotype", Oeuvres complètes (‚d. J.-A. Barral),
t. VII, 1858, p. 455-517.
Charles Baudelaire, Salon de
1859, Oeuvres complètes, t. II (‚d. Cl. Pichois), Paris, Gallimard, 1976, p. 608-682.
Stefan George, "Standbilder. Das Sechste" [1898], Sämtliche
Werke, t. V, Stuttgart, Klett-Cotta, 1984, p. 58.
Johann Wolfgang von Goethe, "Maximen und Reflexionen (509)",
Werke (‚d. W. Weber, H. J. Schrimpf et al.), Munich, Beck, 1973 (7e ‚d.), vol.
12, p. 435.
Antoine Wiertz, "
b) Sources contemporaines
Eugène Atget, Lichtbilder (intr. Camille Recht),
Paris, Leipzig, Ed. Jonquières, 1930.
Karl Blossfeldt, Urformen der Kunst (intr. Karl Nierendorf) [1928], Dortmund,
Harenberg, 1995 (12e éd.).
Helmuth Bossert, Heinrich Guttmann, Aus der Frühzeit der Photographie. 1840-1870,
Francfort/Main, Socieäts-Verlag, 1930.
Bertolt Brecht, "Der Dreigroschenprozess. Ein soziologisches
Experiment" [1930], Werke (‚d. W. Hecht), Francfort/Main, Suhrkamp, 1992,
t. XXI, p. 448-469.
Max Dauthendey, Der Geist meines Vaters [1912], Munich, Langen, 1925.
Siegfried Kracauer,
"Die Photographie" [1927], Aufsätze, t. II,
Francfort/Main, Suhrkamp, 1992, p. 83-98ÿ; traduction
française par Susanne Marten et Jean-Claude Mouton, "
Fritz Matthies-Masuren, Künstlerische Photographie (intr. Alfred
Lichtwark), Berlin, Marquardt, 1907.
Laszl¢ Moholy-Nagy, Malerei
Photographie Film, Munich, Langen, 1925 [traduction
française de l'édition de 1927 par C. Wermester, J. Kempf et G. Dallez, Peinture Photographie Film, NŒmes, éd. Jacqueline Chambon, 1993].
Laszlo Moholy-Nagy, "Fotografie ist Lichtgestaltung", Bauhaus,
vol. II, no 1, janvier 1928, p. 2-9
[traduction française par C. Wermester, "Photographie,
mise en forme de la lumière", in Laszlo Moholy-Nagy. Compositions
lumineuses, 1922-1943, Paris, Centre Georges Pompidou, 1995, p. 193-197].
Emil Orlik, "über Photographie", Kleine Aufsätze, Berlin, Propyläen,
1924, p. 32-42.
Albert Renger-Patzsch, Die Welt ist schön (‚d.C.G.Heise), Munich, Kurt
Wolff, 1928.
August Sander, Antlitz der Zeit (intr. Alfred
Dôblin) [1929], Munich, Paris, Schirmer/Mosel, 1990 [traduction française par L. Marcou, Visage d'une époque, même éd.].
Heinrich Schwarz, David Octavius Hill (1802-1870). Der Meister der
Photographie, Leipzig, Insel V., 1931.
Sasha Stone, "Photo-Kunstgewebereien", Das Kunstblatt, vol.12,
1928, p. 86-87.
Tristan Tzara, "La
photographie à l'envers" [préface de l'album de Man Ray, Les Champs
délicieux, 1922], Oeuvres complètes (éd. Henri Béhar),
Paris, Flammarion, 1975, t. 1, p. 415-417.
c) Sources consultées après
la publication de la "Petite histoire"
Eugène Disdéri,
Manuel opératoire de photographie sur collodion instantané, Paris, A. Gaudin,
1853.
Louis Figuier,
Gisèle Freund, Entwicklung der Photographie in Frankreich
et
Gisèle Freund,
Nadar (Félix Tournachon, dit), Quand j'étais photographe, Paris,
Flammarion, 1900.
Camille Recht (dir.), Die alte Photographie, Paris, Leipzig, Ed. Jonquières,
1931.
ú Wolfgang Schade (Ed.), "Historische Photos aus den Jahren
1840-1900", Europäische Dokumente, t. XIV, 1934.
III. Etudes (sélection)
a) Etudes biographiques
Momme Brodersen, Spinne im eigenen Netz. Walter Benjamins Leben und Werk, Bhl-Moos,
Elster V., 1990.
Ingrid & Konrad Scheurmann (dir.), Fr Walter Benjamin, Francfort/Main,
Suhrkamp, 1992.
Bernd Witte, Walter Benjamin, une biographie (trad. de l'allemand par A.
Bernold), Paris, Ed. du Cerf, 1988.
b) W. B. et la photographie
Hubertus von Amelunxen,
"D'un état mélancolique en photographie. Walter Benjamin et la conception
de l'allégorie" (trad. de l'allemand par V. Meyer), Revue des sciences
humaines, t. LXXXI, n° 210, avril-juin 1988, p. 9-23.
Alain Buisine, "Aura et
halo", Eugène Atget ou la mélancolie en photographie, Nîmes, éd.
Jacqueline Chambon, 1994, p. 115-122.
André Gunthert,
"Le temps retrouvé. Walter Benjamin et la photographie", in coll.
Jardins d'hiver. Littérature et photographie, Paris, Presses de l'Ecole normale
supérieure, 1997, p. 43-54.
Philippe Ivernel,
"Passages de frontières circulations de l'image ‚pique et dialectique chez
Brecht et Benjamin", Hors-Cadre, n° 6, 1987, p.
139-140.
Catherine Perret, "La
beauté dans le rétroviseur",
Rainer Rochlitz,
"Walter Benjamin et la photographie. Expérience et reproductibilité
technique", Critique, n° 459-460, août-septembre
1985, p. 803-811.
Rainer Rochlitz,
"Destruction de l'aura photographie et film", Le Désenchantement de
l'art. La philosophie de Walter Benjamin, Paris, Gallimard, 1992, p. 174-194.