ordiecole.com : la salle de musique de La Chaux-de-Fonds
Un monument d'acoustique (par Pierre
Bourquin)
On ne peut parler de la Salle
de Musique de La Chaux-de-Fonds
sans évoquer l'intelligence et l'esprit de
méthode apportés à son élaboration, au plan de son acoustique. Travail, dont la
récompense consiste dans le fait qu'elle est l'une des salles les plus appréciées
des grands interprètes de la musique classique.
Un peu d'histoire :
Dans l'antiquité, on
disposait déjà de connaissances remarquables dans le domaine de l'acoustique. Au
Moyen Age, les lieux d'exécution étaient, avant tout, les églises et les
châteaux. Ce n'est que beaucoup plus tard, au XVIIIe siècle, que sont créées
les premières salles construites spécifiquement pour des concerts publics.
Avant 1900, on a érigé
quelques belles salles, mais les approches de leur acoustique étaient entourées
de mystère. C'est seulement au début du XXe siècle que Wallace Sabine a établi
les bases de la résonance des salles dans une perspective scientifique. Avec
lui apparaît le temps de persistance d'un son, à partir du moment où la source
sonore a cessé d'émettre.
Cette connaissance signifiait
que, pour dominer le problème, il fallait que l'architecte responsable puisse
travailler avec un acousticien. Or, de nos jours encore, il est assez fréquent
que l'on ne demande l'avis d'un acousticien que pour corriger la répercussion
sonore de telle ou telle salle quand celle-ci est achevée.
Jusqu'à aujourd'hui, de
grands progrès ont été faits pour maîtriser ce problème.
Actuellement, il y a même des
salles à acoustique variable, comme celles de l'Espace de projection de l'IRCAM
à Paris ou du Louise M. Symphony Hall de l'orchestre symphonique de San
Francisco.
L'idée de construire une
salle de concerts à La Chaux-de-Fonds, remonte aux années vingt. Jusqu'à son
inauguration, surgissent plusieurs obstacles. Le plus grave est sans doute le
renvoi à plus tard du projet, en raison de la crise des années trente.
Heureusement, en 1941, l'idée est reprise. La construction durera de 1953 à
1957. L'architecte responsable travaille en étroite collaboration avec un
acousticien bernois renommé, le professeur W. Furrer.
Une collaboration idéale :
C'est le moment de parler
d'un personnage qui joua un grand rôle dans tout ce processus :
Charles Faller
(1891-1956), fondateur du Conservatoire de la ville. Ce musicien a ainsi pu travailler
en parfaite harmonie avec M. Furrer, l'acousticien. Leurs conclusions, entre
autres, ont été qu'une bonne salle de musique ne devait pas être polyvalente;
qu'elle serait rectangulaire, de forme dite «boîte à souliers». Qu'elle serait
construite en bois, du noyer en l'occurrence, pour revêtir les murs latéraux et
que le plafond se présenterait sous la forme d'alvéoles.
Ce n'est pas seulement par
souci d'esthétique que les sièges sont revêtus de velours rouge: le velours
amorti les sons, diminue la résonance. :
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Le résultat :
L'opinion des musiciens est
unanime: l'acoustique de cette salle est hors du commun. C'est d'ailleurs
pourquoi on y fait, depuis longtemps, des enregistrements qui donnent
d'excellents résultats. Si elle n'est pas assez vaste pour accueillir de grands
orchestres symphoniques, «c'est une salle exemplaire pour des orchestres de
chambre», estime Philippe Laubscher, titulaire des orgues.
En 1966, la Société de
Musique chaux-de-fonnière a acheté un piano « Steinway » qui fut considéré presque
immédiatement comme un «miracle» par les pianistes. Il a été inauguré par
Wilhelm Backaus et fut hautement apprécié par d'autres grands interprètes :
Nikita Magaloff, Claudio Arrau, Maurizio Pollini, notamment. Claudio Arrau dit
ceci: « Du point de vue de la sonorité, le plus beau piano du monde se trouve à
La Chaux-de-Fonds, dans une ravissante petite salle de concerts. J'y ai fait
mes meilleurs enregistrements. »
En 1982, la Société a acquis
un autre Steinway: celui-ci a été inauguré par Jörg Demus qui l'a considéré
comme «la huitième merveille du monde.». Mais, pour rétablir la vérité et la
réduire à sa juste mesure, il convient de dire que les qualités de ces
«extraordinaires» instruments sont dues, non seulement à la marque Steinway,
mais aussi aux vertus de la salle où ils sont joués. Et c'est pourquoi, les
pianistes se sentent si bien lorsqu'ils jouent dans cette salle exceptionnelle.
Pierre
Bourquin