ordiecole.com : le code noir (mars 1685)
Sous le règne de Louis XIV (1638-1715),
Jean Baptiste Colbert (1619-1683)
rédige un texte de loi destiné à régir la vie quotidienne des
esclaves dans les plantations.
Ce texte entrera en vigueur en mars 1685 dans toutes les colonies françaises jusqu’aux abolitions.
D’une manière générale, il ne sera que partiellement appliqué par les maîtres dans ses articles les plus
contraignants pour les esclaves.
Edit du roi sur les esclaves des îles de l’Amérique
Mars 1685, à Versailles, Louis, par la grâce de Dieu roi
de France et de Navarre : A tous, présents et à venir, salut.
Préambule Comme nous devons également
nos soins à tous les peuples que la divine providence a mis sous notre
obéissance, nous avons bien voulu faire examiner en notre présence les
mémoires qui nous ont été envoyés par nos officiers de nos îles de
l’Amérique, par lesquels ayant été informés du besoin qu’ils ont de notre
autorité et de notre justice pour y maintenir la discipline de l’église
catholique, apostolique et romaine, pour y régler ce qui concerne l’état
et la qualité des esclaves dans nos dites îles, et désirant y pourvoir et
leur faire connaître qu’encore qu’ils habitent des climats infiniment
éloignés de notre séjour ordinaire, nous leur sommes toujours présent, non
seulement par l’étendue de notre puissance, mais encore par la promptitude
de notre application à les secourir dans leurs nécessités.
A ces causes, de l’avis de notre conseil, et de certaine
science, pleine de puissance et autorité royale, nous avons dit, statué et
ordonné, disons, statuons et ordonnons ce qui suit.
Article 1er Voulons que l’édit
du feu Roi de Glorieuse Mémoire, notre très honoré seigneur et père, du 23
avril 1615, soit exécuté dans nos îles ; ce faisant, enjoignons à
tous nos officiers de chasser de nosdites îles tous les juifs qui y ont
établi leur résidence, auxquels, comme aux ennemis déclarés du nom
chrétien, nous commandons d’en sortir dans trois mois à compter du jour de
la publication des présentes, à peine de confiscation de corps et de
biens.
Article 2 Tous les esclaves qui
seront dans nos îles seront baptisés et instruits dans la religion
catholique, apostolique et romaine. Enjoignons aux habitants qui achètent
des nègres nouvellement arrivés d’en avertir dans huitaine au plus tard
les gouverneur et intendant desdites îles, à peine d’amende arbitraire,
lesquels donneront les ordres nécessaires pour les faire instruire et
baptiser dans le temps convenable.
Article 3 Interdisons tout
exercice public d’autre religion que la religion catholique, apostolique
et romaine. Voulons que les contrevenants soient punis comme rebelles et
désobéissants à nos commandements. Défendons toutes assemblées pour cet
effet, lesquelles nous déclarons conventicules, illicites et séditieuses,
sujettes à la même peine qui aura lieu même contre les maîtres qui lui
permettront et souffriront à l’égard de leurs esclaves.
Article 4 Ne seront préposés
aucuns commandeurs à la direction des nègres, qui ne fassent profession de
la religion catholique, apostolique et romaine, à peine de confiscation
desdits nègres contre les maîtres qui les auront préposés et de punition
arbitraire contre les commandeurs qui auront accepté ladite direction.
Article 5 Défendons à nos
sujets de la religion protestante d’apporter aucun trouble ni empêchement
à nos autres sujets, même à leurs esclaves, dans le libre exercice de la
religion catholique, apostolique et romaine, à peine de punition
exemplaire.
Article 6 Enjoignons à tous nos
sujets, de quelque qualité et condition qu’ils soient, d’observer les
jours de dimanches et de fêtes, qui sont gardés par nos sujets de la
religion catholique, apostolique et romaine. Leur défendons de travailler
ni de faire travailler leurs esclaves auxdits jours depuis l’heure de
minuit jusqu’à l’autre minuit à la culture de la terre, à la manufacture
des sucres et à tous autres ouvrages, à peine d’amende et de punition
arbitraire contre les maîtres et confiscation tant des sucres que des
esclaves qui seront surpris par nos officiers dans le travail.
Article 7 Leur défendons
pareillement de tenir le marché des nègres et de toute autre marchandise
auxdits jours, sur pareille peine de confiscation des marchandises qui se
trouveront alors au marché et d’amende arbitraire contre les
marchands.
Article 8 Déclarons nos sujets
qui ne sont pas de la religion catholique, apostolique et romaine
incapables de contracter à l’avenir aucuns mariages valables, déclarons
bâtards les enfants qui naîtront de telles conjonctions, que nous voulons
être tenues et réputées, tenons et réputons pour vrais concubinages.
Article 9 Les hommes libres qui
auront eu un ou plusieurs enfants de leur concubinage avec des esclaves,
ensemble les maîtres qui les auront soufferts, seront chacun condamnés en
une amende de 2000 livres de sucre, et, s’ils sont les maîtres de
l’esclave de laquelle ils auront eu lesdits enfants, voulons, outre
l’amende, qu’ils soient privés de l’esclave et des enfants et qu’elle et
eux soient adjugés à l’hôpital, sans jamais pouvoir être affranchis.
N’entendons toutefois le présent article avoir lieu lorsque
l’homme libre qui n’était point marié à une autre personne durant son
concubinage avec son esclave, épousera dans les formes observées par
l’Église ladite esclave, qui sera affranchie par ce moyen et les enfants
rendus libres et légitimes.
Article 10 Les solennités
prescrites par l’ordonnance de Blois et par la Déclaration de 1639 pour
les mariages seront observées tant à l’égard des personnes libres que des
esclaves, sans néanmoins que le consentement du père et de la mère de
l’esclave y soit nécessaire, mais celui du maître seulement.
Article 11 Défendons très
expressément aux curés de procéder aux mariages des esclaves, s’ils ne
font apparoir du consentement de leurs maîtres. Défendons aussi aux
maîtres d’user d’aucunes contraintes sur leurs esclaves pour les marier
contre leur gré.
Article 12 Les enfants qui
naîtront des mariages entre esclaves seront esclaves et appartiendront aux
maîtres des femmes esclaves et non à ceux de leurs maris, si le mari et la
femme ont des maîtres différents.
Article 13 Voulons que, si le
mari esclave a épousé une femme libre, les enfants, tant mâles que filles,
suivent la condition de leur mère et soient libres comme elle, nonobstant
la servitude de leur père, et que, si le père est libre et la mère
esclave, les enfants soient esclaves pareillement.
Article 14 Les maîtres seront
tenus de faire enterrer en terre sainte, dans les cimetières destinés à
cet effet, leurs esclaves baptisés. Et, à l’égard de ceux qui mourront
sans avoir reçu le baptême, ils seront enterrés la nuit dans quelque champ
voisin du lieu où ils seront décédés.
Article 15 Défendons aux
esclaves de porter aucunes armes offensives ni de gros bâtons, à peine de
fouet et de confiscation des armes au profit de celui qui les en trouvera
saisis, à l’exception seulement de ceux qui sont envoyés à la chasse par
leurs maîtres et qui seront porteurs de leurs billets ou marques
connus.
Article 16 Défendons
pareillement aux esclaves appartenant à différents maîtres de s’attrouper
le jour ou la nuit sous prétexte de noces ou autrement, soit chez l’un de
leurs maîtres ou ailleurs, et encore moins dans les grands chemins ou
lieux écartés, à peine de punition corporelle qui ne pourra être moindre
que du fouet et de la fleur de lys ; et, en cas de fréquentes
récidives et autres circonstances aggravantes, pourront être punis de
mort, ce que nous laissons à l’arbitrage des juges. Enjoignons à tous
nos sujets de courir sus aux contrevenants, et de les arrêter et de les
conduire en prison, bien qu’ils ne soient officiers et qu’il n’y ait
contre eux encore aucun décret.
Article 17 Les maîtres qui
seront convaincus d’avoir permis ou toléré telles assemblées composées
d’autres esclaves que de ceux qui leur appartiennent seront condamnés en
leurs propres et privés noms de réparer tout le dommage qui aura été fait
à leurs voisins à l’occasion desdites assemblées et en 10 écus d’amende
pour la première fois et au double en cas de récidive.
Article 18 Défendons aux
esclaves de vendre des cannes de sucre pour quelque cause et occasion que
ce soit, même avec la permission de leurs maîtres, à peine du fouet contre
les esclave, de 10 livres tournois contre le maître qui l’aura permis et
de pareille amende contre l’acheteur.
Article 19 Leur défendons aussi
d’exposer en vente au marché ni de porter dans des maisons particulières
pour vendre aucune sorte de denrées, même des fruits, légumes, bois à
brûler, herbes pour la nourriture des bestiaux et leurs manufactures, sans
permission expresse de leurs maîtres par un billet ou par des marques
connues ; à peine de revendication des choses ainsi vendues, sans
restitution de prix, pour les maîtres et de 6 livres tournois d’amende à
leur profit contre les acheteurs.
Article 20 Voulons à cet effet
que deux personnes soient préposées par nos officiers dans chaque marché
pour examiner les denrées et marchandises qui y seront apportées par les
esclaves, ensemble les billets et marques de leurs maîtres dont ils seront
porteurs.
Article 21 Permettons à tous
nos sujets habitants des îles de se saisir de toutes les choses dont ils
trouveront les esclaves chargés, lorsqu’ils n’auront point de billets de
leurs maîtres, ni de marques connues, pour être rendues incessamment à
leurs maîtres, si leur habitation est voisine du lieu où leurs esclaves
auront été surpris en délit : sinon elles seront incessamment
envoyées à l’hôpital pour y être en dépôt jusqu’à ce que les maîtres en
aient été avertis.
Article 22 Seront tenus les
maîtres de faire fournir, par chacune semaine, à leurs esclaves âgés de
dix ans et au-dessus, pour leur nourriture, deux pots et demi, mesure de
Paris, de farine de manioc, ou trois cassaves pesant chacune 2 livres et
demie au moins, ou choses équivalentes, avec 2 livres de boeuf salé, ou 3
livres de poisson, ou autres choses à proportion : et aux enfants,
depuis qu’ils sont sevrés jusqu’à l’âge de dix ans, la moitié des vivres
ci-dessus.
Article 23 Leur défendons de
donner aux esclaves de l’eau-de-vie de canne ou guildive, pour tenir lieu
de subsistance mentionnée en l’article précédent.
Article 24 Leur défendons
pareillement de se décharger de la nourriture et subsistance de leurs
esclaves en leur permettant de travailler certain jour de la semaine pour
leur compte particulier.
Article 25 Seront tenus les
maîtres de fournir à chaque esclave, par chacun an, deux habits de toile
ou quatre aunes de toile, au gré des maîtres.
Article 26 Les esclaves qui ne
seront point nourris, vêtus et entretenus par leurs maîtres, selon que
nous l’avons ordonné par ces présentes, pourront en donner avis à notre
procureur général et mettre leurs mémoires entre ses mains, sur lesquels
et même d’office, si les avis viennent d’ailleurs, les maîtres seront
poursuivis à sa requête et sans frais ; ce que nous voulons être
observé pour les crimes et traitements barbares et inhumains des maîtres
envers leurs esclaves.
Article 27 Les esclaves
infirmes par vieillesse, maladie ou autrement, soit que la maladie soit
incurable ou non, seront nourris et entretenus par leurs maîtres, et, en
cas qu’ils eussent abandonnés, lesdits esclaves seront adjugés à
l’hôpital, auquel les maîtres seront condamnés de payer 6 sols par chacun
jour, pour la nourriture et l’entretien de chacun esclave.
Article 28 Déclarons les
esclaves ne pouvoir rien avoir qui ne soit à leurs maîtres ; et tout
ce qui leur vient par industrie, ou par la libéralité d’autres personnes,
ou autrement, à quelque titre que ce soit, être acquis en pleine propriété
à leurs maîtres, sans que les enfants des esclaves, leurs pères et mères,
leurs parents et tous autres y puissent rien prétendre par successions,
dispositions entre vifs ou à cause de mort ; lesquelles dispositions
nous déclarons nulles, ensemble toutes les promesses et obligations qu’ils
auraient faites, comme étant faites par gens incapables de disposer et
contracter de leur chef.
Article 29 Voulons néanmoins
que les maîtres soient tenus de ce que leurs esclaves auront fait par leur
commandement, ensemble de ce qu’ils auront géré et négocié dans les
boutiques, et pour l’espèce particulière de commerce à laquelle leurs
maîtres les auront préposés, et au cas que leurs maîtres ne leur aient
donné aucun ordre et ne les aient point préposés, ils seront tenus
seulement jusqu’à concurrence de ce qui aura tourné à leur profit, et, si
rien n’a tourné au profit des maîtres, le pécule desdits esclaves que les
maîtres leur auront permis d’avoir en sera tenu, après que les maîtres en
auront déduit par préférence ce qui pourra leur être dû ; sinon que
le pécule consistât en tout ou partie en marchandises, dont les esclaves
auraient permission de faire trafic à part, sur lesquelles leurs maîtres
viendront seulement par contribution au sol la livre avec les autres
créanciers.
Article 30 Ne pourront les
esclaves être pourvus d’office ni de commission ayant quelque fonction
publique, ni être constitués agents par autres que leurs maîtres pour
gérer et administrer aucun négoce, ni être arbitres, experts ou témoins,
tant en matière civile que criminelle : et en cas qu’ils soient ouïs
en témoignage, leur déposition ne servira que de mémoire pour aider les
juges à s’éclairer d’ailleurs, sans qu’on en puisse tire aucune
présomption, ni conjoncture, ni adminicule de preuve.
Article 31 Ne pourront aussi
les esclaves être parties ni être (sic) en jugement en matière civile,
tant en demandant qu’en défendant, ni être parties civiles en matière
criminelle, sauf à leurs maîtres d’agir et défendre en matière civile et
de poursuivre en matière criminelle la réparation des outrages et excès
qui auront été contre leurs esclaves.
Article 32 Pourront les
esclaves être poursuivis criminellement, sans qu’il soit besoin de rendre
leurs maîtres partie, (sinon) en cas de complicité : et seront les
esclaves accusés, jugés en première instance par les juges ordinaires et
par appel au Conseil souverain, sur la même instruction et avec les mêmes
formalités que les personnes libres.
Article 33 L’esclave qui aura
frappé son maître, sa maîtresse ou le mari de sa maîtresse, ou leurs
enfants avec contusion ou effusion de sang, ou au visage, sera puni de
mort.
Article 34 Et quant aux excès
et voies de fait qui seront commis par les esclaves contre les personnes
libres, voulons qu’ils soient sévèrement punis, même de mort, s’il y
échet.
Article 35 Les vols qualifiés,
même ceux de chevaux, cavales, mulets, boeufs ou vaches, qui auront été
faits par les esclaves ou par les affranchis, seront punis de peines
afflictives, même de mort, si le cas le requiert.
Article 36 Les vols de moutons,
chèvres, cochons, volailles, canne à sucre, pois, mil, manioc ou autres
légumes, faits par les esclaves, seront punis selon la qualité du vol, par
les juges qui pourront, s’il y échet, les condamner d’être battus de
verges par l’exécuteur de la haute justice et marqués d’une fleur de
lys.
Article 37 Seront tenus les
maîtres, en cas de vol ou d’autre dommage causé par leurs esclaves, outre
la peine corporelle des esclaves, de réparer le tort en leur nom, s’ils
n’aiment mieux abandonner l’esclave à celui auquel le tort a été
fait ; ce qu’ils seront tenus d’opter dans trois jours, à compter de
celui de la condamnation, autrement ils en seront déchus.
Article 38 L’esclave fugitif
qui aura été en fuite pendant un mois, à compter du jour que son maître
l’aura dénoncé en justice, aura les oreilles coupées et sera marqué d’une
fleur de lis une épaule ; s’il récidive un autre mois pareillement du
jour de la dénonciation, il aura le jarret coupé, et il sera marqué d’une
fleur de lys sur l’autre épaule ; et, la troisième fois, il sera puni
de mort.
Article 39 Les affranchis qui
auront donné retraite dans leurs maisons aux esclaves fugitifs, seront
condamnés par corps envers les maîtres en l’amende de 300 livres de sucre
par chacun jour de rétention, et les autres personnes libres qui leur
auront donné pareille retraite, en 10 livres tournois d’amende par chacun
jour de rétention.
Article 40 L’esclave sera puni
de mort sur la dénonciation de son maître non complice du crime dont il
aura été condamné sera estimé avant l’exécution par deux des principaux
habitants de l’île, qui seront nommés d’office par le juge, et le prix de
l’estimation en sera payé au maître ; et, pour à quoi satisfaire, il
sera imposé par l’intendant sur chacune tête de nègre payant droits la
somme portée par l’estimation, laquelle sera régalé sur chacun desdits
nègres et levée par le fermier du domaine royal pour éviter à frais.
Article 41 Défendons aux juges,
à nos procureurs et aux greffiers de prendre aucune taxe dans les procès
criminels contre les esclaves, à peine de concussion.
Article 42 Pourront seulement
les maîtres, lorsqu’ils croiront que leurs esclaves l’auront mérité les
faire enchaîner et les faire battre de verges ou cordes. Leur défendons de
leur donner la torture, ni de leur faire aucune mutilation de membres, à
peine de confiscation des esclaves et d’être procédé contre les maîtres
extraordinairement.
Article 43 Enjoignons à nos
officiers de poursuivre criminellement les maîtres ou les commandeurs qui
auront tué un esclave étant sous leur puissance ou sous leur direction et
de punir le meurtre selon l’atrocité des circonstances ; et, en cas
qu’il y ait lieu à l’absolution, permettons à nos officiers de renvoyer
tant les maîtres que les commandeurs absous, sans qu’ils aient besoin
d’obtenir de nous Lettres de grâce.
Article 44 Déclarons les
esclaves être meubles et comme tels entrer dans la communauté, n’avoir
point de suite par hypothèque, se partager également entre les
cohéritiers, sans préciput et droit d’aînesse, n’être sujets au douaire
coutumier, au retrait féodal et lignager, aux droits féodaux et
seigneuriaux, aux formalités des décrets, ni au retranchement des quatre
quints, en cas de disposition à cause de mort et testamentaire.
Article 45 N’entendons
toutefois priver nos sujets de la faculté de les stipuler propres à leurs
personnes et aux leurs de leur côté et ligne, ainsi qu’il se pratique pour
les sommes de deniers et autres choses mobiliaires.
Article 46 Seront dans les
saisies des esclaves observées les formes prescrites par nos ordonnances
et les coutumes pour les saisies des choses mobiliaires. Voulons que les
deniers en provenant soient distribués par ordre de saisies ; ou, en
cas de déconfiture, au sol la livre, après que les dettes privilégié
auront été payées et généralement que la condition des esclaves soit
réglée en toutes affaires comme celle des autres choses mobiliaires, aux
exceptions suivantes.
Article 47 Ne pourront être
saisis et vendus séparément le mari, la femme et leurs enfants impubères,
s’ils sont tous sous la puissance d’un même maître ; déclarons nulles
les saisies et ventes séparées qui en seront faites ; ce que nous
voulons avoir lieu dans les aliénations volontaires, sous peine, contre
ceux qui feront les aliénations, d’être privés de celui ou de ceux qu’ils
auront gardés, qui seront adjugés aux acquéreurs, sans qu’ils soient tenus
de faire aucun supplément de prix.
Article 48 Ne pourront aussi
les esclaves travaillant actuellement dans les sucreries, indigoteries et
habitations, âgés de quatorze ans et au-dessus jusqu’à soixante ans, être
saisis pour dettes, sinon pour ce qui sera dû du prix de leur achat, ou
que la sucrerie, indigoterie, habitation, dans laquelle ils travaillent
soit saisie réellement ; défendons, à peine de nullité, de procéder
par saisie réelle et adjudication par décret sur les sucreries,
indigoteries et habitations, sans y comprendre les nègres de l’âge susdit
y travaillant actuellement.
Article 49 Le fermier
judiciaire des sucreries, indigoteries, ou habitations saisies réellement
conjointement avec les esclaves, sera tenu de payer le prix entier de son
bail, sans qu’il puisse compter parmi les fruits qu’il perçoit les enfants
qui seront nés des esclaves pendant son bail.
Article 50 Voulons, nonobstant
toutes conventions contraires, que nous déclarons nulles, que lesdits
enfants appartiennent à la partie saisie, si les créanciers sont
satisfaits d’ailleurs, ou à l’adjudicataire, s’il intervient un
décret ; et, à cet effet, il sera fait mention dans la dernière
affiche, avant l’interposition du décret, desdits enfants nés esclaves
depuis la saisie réelle. Il sera fait mention, dans la même affiche, des
esclaves décédés depuis la saisie réelle dans laquelle ils étaient
compris.
Article 51 Voulons, pour éviter
aux frais et aux longueurs des procédures, que la distribution du prix
entier de l’adjudication conjointe des fonds et des esclaves, et de ce qui
proviendra du prix des baux judiciaires, soit faite entre les créanciers
selon l’ordre de leurs privilèges et hypothèques, sans distinguer ce qui
est pour le prix des fonds d’avec ce qui est pour le prix des
esclaves.
Article 52 Et néanmoins les
droits féodaux et seigneuriaux ne seront payés qu’à proportion du prix des
fonds.
Article 53 Ne seront reçus les
lignagers et seigneurs féodaux à retirer les fonds décrétés, s’ils ne
retirent les esclaves vendus conjointement avec fonds ni l’adjudicataire à
retenir les esclaves sans les fonds.
Article 54 Enjoignons aux
gardiens nobles et bourgeois usufruitiers, amodiateurs et autres
jouissants des fonds auxquels sont attachés des esclaves qui y
travaillent, de gouverner lesdits esclaves comme bons pères de famille,
sans qu’ils soient tenus, après leur administration finie, de rendre le
prix de ceux qui seront décédés ou diminués par maladie, vieillesse ou
autrement, sans leur faute, et sans qu’ils puissent aussi retenir comme
fruits à leur profit les enfants nés desdits esclaves durant leur
administration, lesquels nous voulons être conservés et rendus à ceux qui
en sont maîtres et les propriétaires.
Article 55 Les maîtres âgés de
vingt ans pourront affranchir leurs esclaves par tous actes vifs ou à
cause de mort, sans qu’ils soient tenus de rendre raison de
l’affranchissement, ni qu’ils aient besoin d’avis de parents, encore
qu’ils soient mineurs de vingt-cinq ans.
Article 56 Les esclaves qui
auront été fait légataires universels par leurs maîtres ou nommés
exécuteurs de leurs testaments ou tuteurs de leurs enfants, seront tenus
et réputés, les tenons et réputons pour affranchis.
Article 57 Déclarons leurs
affranchissements faits dans nos îles, leur tenir lieu de naissance dans
nosdites îles et les esclaves affranchis n’avoir besoin de nos lettres de
naturalité pour jouir des avantages de nos sujets naturels de notre
royauté, terres et pays de notre obéissance, encore qu’ils soient nés dans
les pays étrangers.
Article 58 Commandons aux
affranchis de porter un respect singulier à leurs anciens maîtres, à leurs
veuves et à leurs enfants, en sorte que l’injure qu’ils leur auront faite
soit punie plus grièvement que si elle était faite à une autre
personne : les déclarons toutefois francs et quittes envers eux de
toutes autres charges, services et droits utiles que leurs anciens maîtres
voudraient prétendre tant sur leurs personnes que sur leurs biens et
successions en qualité de patrons.
Article 59 Octroyons aux
affranchis les mêmes droits, privilèges et immunités dont jouissent les
personnes nées libres ; voulons que le mérite d’une liberté acquise
produise en eux, tant pour leurs personnes que pour leurs biens, les mêmes
effets que le bonheur de la liberté naturelle cause à nos autres
sujets.
Article 60 Déclarons les
confiscations et les amendes qui n’ont point de destination particulière,
par ces présentes nous appartenir, pour être payées à ceux qui sont
préposés à la recette de nos droits et de nos revenus ; voulons
néanmoins que distraction soit faite du tiers desdites confiscations et
amendes au profit de l’hôpital établi dans l’île où elles auront été
adjugées.
Texte publié en Mars 1685
source : RFO /
Noires Memoires :
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du code noir de 1685 et de celui de 1724
code noir de la Louisiane (1724)
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